lundi 12 mai 2014

L'avortement d'Emily Letts, un buzz malsain ?

Une américaine filme son avortement et le met en ligne (lien francetvinfo). Il s'agit d'une jeune femme de 25 ans qui ne se sentait pas prête pour être mère. On ne sait rien d'Emily Letts, sauf qu'elle travaille dans la clinique d'avortement où elle a effectué le sien. Je ne pense pas que le débat sur l'avortement doit encore avoir lieu : une femme dispose de son corps, ce n'est pas une machine à faire des humains. L'avortement, j'y avais déjà réfléchi, c'est un sujet classique de débat qu'on donne aux étudiants de première année au même titre que l'homosexualité et l'eugénisme (et avec à l'époque, le téléchargement illégal). Mais quand on a 19 ans, qu'on se s'est pas faite violée ou qu'on n'a pas fait d'orgie sans protection (j'ai eu une vie trépidante), il était plus difficile de ressentir le sujet.

Mais à mon âge et à notre époque, le sujet semble plus accessible voire "banalisé". Ce n'est plus une extrême humiliation ou un crime contre l'humanité, je crois... D'ailleurs, Emily justifie sa démarche comme ayant le but de déculpabiliser les femmes qui y ont recours, surtout les plus croyantes. Durant son intervention on ne voit que son visage, elle paraît détendue et sourit même, à tel point que certaines l'ont accusée sur Twitter, de vouloir transformer cet événement personnel en quelque chose de cool. D'autres font simplement remarquer que l'avortement n'est pas toujours aussi facile et que la grossesse est aussi interrompue pour raisons médicales (risque pour la mère, malformations) et ne se réduit pas qu'à une décision prise parce qu'on ne voulait pas être parent. L'avortement se pose dans nos sociétés occidentales, comme une solution aux problèmes de viols ou de grossesse chez les adolescentes, comme un moyen de "contraception" quand il est trop tard. Toutefois atténuer la gravité de l'avortement c'est d'une part accepter la sexualité de la femme mais d'autre part admettre qu'on a encore des relations sexuelles non protégées ou sans contraception.

Concernant l'avortement de Letts, qu'elle ait pris cette décision ne regarde qu'elle, on ne connait pas les détails de son histoire mais par contre elle a bien pris soin de partager ce qui aurait dû rester du domaine de l'intime car cela concerne tout de même sa matrice (pour rester polie). Le sujet de la vidéo ce n'est finalement pas l'avortement mais elle-même, puisqu'on ne voit que son visage. Elle affirme qu'il n'y a pas de but politique, elle poste même sa vidéo sur son Facebook, le plus voyeur des réseaux sociaux. On peut en déduire que sa démarche tient du spectacle exposé d'une façon simpliste. Le problème réside dans le traitement de cette IVG, c'est une décision personnelle qui a des conséquences sur le reste de sa vie et un acte médical intime présentés d'une façon triviale et réduits à son simple visage souriant : ça ne lui fait rien. Il s'agit quand même d'une vie, pas un être humain légalement mais pas un œuf de poule non plus. Est-ce que l'émancipation des femmes qui les ont masculinisées ne les auraient pas aussi rendues indifférentes à leur propre biologie ?

C'est une histoire qui date de 2 mois et on continue d'en parler car au fond, la population est aussi friande de ce genre d'histoire sensationnaliste. Telle la métaphore de la grange de Don DeLillo dans White Noise, c'est le fait qu'il y ait des spectateurs qui créent l'événement, c'est l'idée qu'ils se font sur le principe de la démarche de Letts et leur partage de réactions sur le net qui alimentent la polémique, on leur a dit qu'elle avait filmé son avortement alors qu'on ne voit rien d'autre que sa face, jolie mais sans intérêt. Et si, après tout, ce ne serait pas pour se déculpabiliser elle-même ?

mardi 6 mai 2014

Féminité ou féminisme ?

Trois ans ! Trois petites années que je n'ai rien écrit mais ce n'ai pas comme si j'avais arrêté de ruminer dans mon coin. J'ai continué à en voir des films et à critiquer des choses sans importance par-ci par-là. Pourtant j'en avais du temps : assignée à résidence par le chômage (après avoir fait la fac, aïe) et aussi par l'arrivée d'un nouveau membre dans la famille (et ce n'est pas un chat).

Je trouve ça quand même un peu injuste que ce soit la femme qui mette sa vie entre parenthèses. C'est vrai, il y en a qui reprennent rapidement le boulot et la vie de couple etc. Mais quand même ! Sa vie bascule car implicitement, de nouvelles tâches et responsabilités lui incombent désormais "naturellement". Il y en a aussi qui aiment tout cela. Quand j'étais en échange à l'étranger, un type, un autre français m'a dit une fois :
"quand je regarde les profils de mes anciennes connaissances du lycée sur copains d'avant, je vois qu'ils sont tous installés et qu'ils n'ont rien fait d'autre de leur vie après l'école que de pondre des gosses". C'est un peu sévère mais c'est aussi un peu vrai. Certaines personnes n'ont pas fait d'études, n'ont pas des jobs super (ou pas du tout comme moi) donc avoir un enfant (beau et en bonne santé) peut être une grande source de fierté. J'étais d'accord avec le type car pour moi c'était un peu dommage avoir un enfant avant 25 ans mais avec la naissance de mon petit j'ai compris. J'ai compris ce qu'était donner la vie, de "fabriquer" un être humain en n'étant pas certaine du résultat et ensuite de le gérer de A à Z comme une extension incontrôlable de soi-même. J'entends bien qu'il y ait des filles qui n'ont rien, ni talent ni "intelligence", et que de donner naissance à leur enfant puisse être la meilleure chose qu'elles aient faite. Et puis flûte, aimer son enfant c'est normal.

En France, je ne sais pas ce qu'il se passe avec la Famille. Les gens regardent cela de travers : les marmots c'est pénible et ça pue, pourquoi devoir laisser nos places aux gens avec enfants, on ne veut pas employer de femme parce qu'elles tombent enceintes, c'est nul d'être mère tu n'as plus de liberté ni de vie sociale etc etc. Et bien, comme je l'ai déjà dit, il y en a qui aiment. Pourquoi stigmatiser celles qui aiment la vie de famille et prendre soin de leur mari et enfant ? Les valeurs de la famille n'ont déjà pas la côte (c'est ringard, pas rentable ou pas valorisant) alors de ce qui pourrait aliéner la femme, n'en parlons pas...
Aperçoit une femme au foyer heureuse : "Eh, tu es opprimée! Retourne au bureau et sois libre!!"
Une autre fois, une amie, une jeune étudiante que j'avais rencontrée pendant un job m'a dit :
"je trouve ça débile les "féministes" qui rabaissent les autres filles parce qu'elle aiment s'occuper de leur mec ou de leur appartement, moi j'essaie des nouvelles recettes de gâteaux tous les dimanches et je les fait goûter à mon copain, et ça me fait plaisir". Cette amie met en évidence un élément important : les féministes s'avilissent elles-mêmes en se dictant des comportements. On se retrouve, pour caricaturer, avec des femmes disant aux femmes comment être femmes en étant moins "féminines". C'est à dire que les filles (de la petite à la grande) n'ont plus le droit d'aimer le rose, les princesses, la cuisine, de se dévouer, de vouloir être mignonnes ou élégantes et mystérieuses. Non, la petite fille doit être garçon manqué et la grande sexuelle, décomplexée, connasse...

Peut-être que les femmes doivent taper du poing très fort et arriver à de hautes exigences pour obtenir une égalité à la baisse. Les hommes se méprennent tout de même, ils croient que ce que nous demandons c'est d'être considérées comme des hommes exactement comme eux. Au fond, ce que, nous les femmes, on devrait demander c'est le respect. Et aussi il faut qu'on arrête d'agir en fonction des critères masculins, qu'on arrête de taper du poing  sans réfléchir, parce qu'en réalité, on laisse les hommes exiger des choses de nous et finalement il faudrait les faire admettre notre équivalence (égales
voudrait dire exactement pareils). Et Surtout, qu'on arrête de se rabaisser nous-mêmes entre femmes, de critiquer les choix de vie des autres et de culpabiliser celles qui ont sacrifié leur carrière par choix ou obligation.